Force majeure, vol et RC professionnelle : peut-on échapper aux pénalités de retard ?
Dans de nombreux secteurs — ingénierie, bureaux d’études, prestations techniques ou chantiers — un imprévu peut bloquer l’exécution d’une mission : vol de matériel, incendie, cyberattaque, rupture d’approvisionnement, etc.
Dans ces situations, certains donneurs d’ordre appliquent automatiquement des pénalités de retard.
Pourtant, même lorsqu’elles figurent au contrat, ces pénalités ne s’appliquent pas dans tous les cas, notamment lorsque le retard est causé par un événement extérieur.
Et c’est précisément ce que prévoit aussi la garantie RC professionnelle.
Un contexte particulier : un prestataire choisi par le client et un délai imposé
Dans le cas étudié, le prestataire avait été sélectionné par le client final pour son expertise.
Les délais d’exécution étaient extrêmement serrés, à la demande même du donneur d’ordre.
Ce contexte renforce l’importance d’analyser correctement :
la nature du retard,
sa cause,
et la possibilité d’appliquer (ou non) une clause pénale.
🔐 Le vol : un événement accidentel selon les conditions du contrat RC pro
En parallèle de l’analyse contractuelle du marché, il faut examiner la garantie RC professionnelle de l’entreprise.
Les conditions générales prévoient notamment :
✔️ Définition du dommage matériel
Le contrat définit le dommage matériel comme :
“la détérioration ou destruction d’une chose ou substance ainsi que son vol ou sa disparition.”
👉 Le vol est donc bien un dommage matériel.
✔️ Définition de l’accident
“Tout événement soudain, imprévu, survenant de façon fortuite.”
👉 Un vol est parfaitement compatible avec la définition d’un accident.
✔️ Garantie spécifique des retards accidentels
Le contrat prévoit que sont garantis :
“les dommages immatériels non consécutifs résultant d’un retard (…) lorsque ce retard a une origine accidentelle.”
Donc :
➡️ Un retard causé par un vol est un retard accidentel au sens du contrat.
👉 La RC pro peut donc prendre en charge certains dommages du client, mais uniquement dans la catégorie dommages immatériels non consécutifs, et sous réserve des exclusions.
❌ Exclusion des pénalités de retard
Le contrat exclut expressément :
“Les conséquences des pénalités de retard (…) qui n’incomberaient pas à l’assuré en vertu du droit commun.”
Ce point est fondamental :
même si un retard existe,
même si un dommage immatériel est envisageable,
➡️ les pénalités de retard contractuelles ne sont jamais couvertes par la RC pro.
⛔ Pénalités de retard : automatiques ? Oui… mais seulement si le retard est imputable
Il existe une confusion fréquente :
une pénalité de retard ne nécessite pas de prouver une faute,
mais elle ne peut être appliquée que si :
✔️ la clause contractuelle est claire et applicable,
✔️ le retard est imputable au prestataire,
✔️ aucune cause d’exonération (ex. : force majeure) n’est constatée.
Autrement dit :
Automatique dans son calcul ≠ automatique dans son déclenchement.
Dans le cas d’un vol :
➡️ le retard n’est pas imputable → la clause ne peut pas être activée.
📘 Force majeure : le cadre juridique qui neutralise la pénalité
L’article 1218 du Code civil définit la force majeure comme un événement :
imprévisible,
irrésistible,
extérieur au débiteur.
Lorsqu’un tel événement empêche l’exécution du contrat :
le débiteur est exonéré,
la clause pénale ne peut pas jouer,
la pénalité claimée par le client devient inapplicable.
La jurisprudence confirme que même une clause “automatique” est neutralisée lorsque le retard provient d'un événement de force majeure.
Un vol peut constituer un cas de force majeure si :
l’entreprise avait pris des mesures normales de sécurité,
l’événement est soudain et extérieur,
l’exécution devient temporairement impossible.
🧮 La RC pro : ce qu’elle couvre (et ne couvre pas) dans ce cas
✔️ CE QUE LA RC PRO PEUT COUVRIR
Uniquement les dommages immatériels non consécutifs subis par le client, si :
le retard vient d’un accident (vol),
l’entreprise n’a pas commis de négligence,
le dommage du client est réel et documenté.
Exemples :
perte de jouissance,
impossibilité temporaire d’utiliser un service,
frais supplémentaires non prévus par une clause pénale.
❌ CE QU’ELLE NE COUVRE JAMAIS
les pénalités de retard,
les sanctions contractuelles,
les obligations financières forfaitaires imposées par le marché.
Même si le client les réclame,
➡️ la RC pro n’intervient pas,
➡️ et juridiquement, le prestataire peut ne pas être tenu de les payer.
🧠 Synthèse opérationnelle
✔️ Le vol est un accident au sens du contrat RC pro
→ et il peut justifier un retard.
✔️ Le retard n’est pas imputable
→ la pénalité contractuelle ne peut pas être appliquée.
✔️ La force majeure neutralise la clause pénale
→ impossible d’exiger une pénalité.
✔️ La RC pro n’indemnise pas les pénalités de retard
→ même si le client insiste.
✔️ Elle peut couvrir certains dommages immatériels réels
→ mais pas les montants forfaitaires prévus au contrat.
🟦 Conclusion : un vol ne peut pas engendrer des pénalités automatiques
Même lorsqu’une clause pénale est prévue :
le retard doit être imputable,
aucune force majeure ne doit intervenir,
la clause doit être claire,
et le contrat RC pro exclut de toute façon les pénalités.
Ainsi :
➡️ Un vol, événement extérieur, accidentel et imprévisible, empêche l’application de la pénalité de retard.
➡️ La RC pro ne couvre pas les pénalités, mais peut intervenir sur les dommages immatériels réels.
➡️ Le client ne peut pas appliquer mécaniquement une clause pénale dans un tel contexte.